Page:Eliot - Silas Marner.djvu/209

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caché dans son sein. Cependant, après avoir retiré le reste noir, elle hérita un moment avant de le porter à ses lèvres. À cet instant l’amour maternel éleva la voix : plutôt un douloureux état de conscience que l’oubli ; plutôt la continuation des souffrances de la lassitude, que l’engourdissement des bras et l’impossibilité d’entourer et de sentir le précieux fardeau. Quelques secondes plus tard Molly avait jeté quelque chose, — ce n’était pas le reste noir : c’était une fiole vide. Elle continua sa route au-dessous d’un nuage qui se déchirait, et d’où venait de temps en temps la lumière d’une étoile se voilant rapidement, car un vent glacial s’était élevé depuis que la neige avait cessé de tomber. Mais Molly marchait toujours, s’assoupissant davantage à chaque pas, et pressant l’enfant sur son sein avec une inconscience de plus en plus grande.

Lentement et à sa guise le démon accomplissait son œuvre. Le froid et la fatigue lui venaient en aide. Bientôt Molly ne ressentit plus qu’un désir suprême et irrésistible qui lui déroba entièrement l’avenir, — le désir impérieux de s’étendre par terre et de dormir. Elle était arrivée dans un endroit où ses pas n’étaient plus guidés par les haies des ruelles, et elle avait erré au hasard, incapable de distinguer aucun objet, malgré l’immense nappe blanche qui l’entourait et la lumière croissante des étoiles. Elle s’affaissa contre un buisson de genêts, isolé. C’était un oreiller assez doux, et le lit de neige était doux aussi. Elle ne