Page:Eliot - Silas Marner.djvu/228

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Godfrey sans aucun embarras ni signe de reconnaissance. L’enfant ne pouvait pas faire d’appel visible ou intelligible à son père, et celui-ci se trouva sous l’impression d’un étrange mélange de sentiments, — d’un conflit de regrets et de joie, en voyant que ce petit cœur ne répondait par aucun battement à la tendresse à moitié jalouse du sien, tandis que les yeux bleus s’éloignaient lentement de lui, et se fixaient sur la figure bizarre du tisserand. Marner s’étant penché bien bas pour les regarder, la petite main se mit à lui tirer sa joue flétrie et à la défigurer avec délices.

« Vous allez mener l’enfant à l’asile des pauvres, demain ? demanda Godfrey, parlant avec autant d’indifférence qu’il le pouvait.

— Qui dit cela ? répondit Marner, brusquement. Me forcera-t-on à l’y conduire ?

— Comment, vous ne voudriez pas la garder, dites,… un vieux célibataire comme vous ?

— Jusqu’à ce qu’on me montre qu’on a le droit de me l’enlever, je la garderai, dit Marner. La mère est morte, et je suppose que l’enfant n’a pas de père : elle est seule au monde,… et je suis seul au monde. Mon argent est parti je ne sais où… et elle me vient je ne sais d’où… Je ne sais rien,… je ne sais presque plus où j’en suis.

— Pauvre petite créature ! dit Godfrey. Laissez-moi vous donner quelque chose pour lui procurer des vêtements. »

Il venait de mettre la main à la poche et y avait