Page:Eliot - Silas Marner.djvu/267

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de son argent, il ne possédait plus que ce qu’il gagnait par son travail chaque semaine, et encore était-ce à une époque où le tissage tombait, vu qu’on filait le lin de moins en moins. Enfin, maître Marner n’était pas des plus jeunes. Personne n’était jaloux du tisserand ; car il était regardé comme un homme exceptionnel qui, plus que tout autre, avait droit à l’aide de ses voisins à Raveloe. Ce qui restait de superstition à son égard, avait pris une nuance toute différente. M. Macey, devenu alors un faible vieillard de quatre-vingt-six ans, invisible désormais, si ce n’est au coin de son feu ou assis au soleil sur le seuil de sa porte, émettait l’avis que, lorsqu’un homme avait agi comme Silas envers une orpheline, c’était un signe que son argent reparaîtrait, ou tout au moins que le voleur aurait à en rendre compte. Il n’en fallait pas douter, car M. Macey ajoutait qu’en ce qui le concernait personnellement, ses facultés n’avaient jamais été plus nettes.

Silas s’assit alors et contempla Eppie d’un regard satisfait, tandis qu’elle mettait la nappe propre et y plaçait le gâteau aux pommes de terre, réchauffé lentement dans un pot bien sec, au-dessus d’un feu qui se mourait insensiblement, et suivant la méthode prudente employée le dimanche[1]. C’est ce qui pou-

  1. Cette méthode prudente a l’avantage de ne pas brûler le gâteau. Ce gâteau est confectionné le jour précédent, parce qu’un certain nombre de protestants regardent comme un devoir de ne pas faire de cuisine le dimanche. (N. du Tr.)