Page:Eliot - Silas Marner.djvu/310

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et vous eussiez été plus heureux avec moi. Il m’aurait été plus facile de supporter la mort de mon petit bébé, et notre vie aurait pu ressembler davantage à ce que jadis nous pensions qu’elle serait. »

Les larmes de Nancy coulèrent, et elle cessa de parler.

« Mais vous n’auriez pas voulu m’épouser alors, Nancy, si je vous l’avais dit, » répliqua Godfrey, poussé, par l’amertume des reproches de sa conscience, à se prouver à lui-même que sa conduite n’avait pas été une folie complète. « Il vous semble maintenant que vous m’auriez accepté comme époux, seulement vous ne l’eussiez pas fait à ce moment-là. Avec votre fierté et celle de votre père, il vous eût répugné d’avoir aucune relation avec moi, après les propos qu’on aurait tenus.

— Je ne saurais dire quelle eût été ma décision à cet égard, Godfrey. Dans tous les cas, je ne me serais jamais mariée avec un autre. Mais je ne valais pas la peine qu’on fît du mal à cause de moi : rien ne vaut la peine qu’on en fasse ici-bas. Aucune chose ne se trouve être aussi bonne qu’elle le paraît à première vue : notre union même n’est pas une exception, vous voyez. »

Il y eut un faible et triste sourire sur la physionomie de Nancy, lorsqu’elle prononça ces dernières paroles.

« Je suis un plus mauvais homme que vous ne le pensiez, Nancy, dit Godfrey, avec assez d’agitation. Pourrez-vous jamais me pardonner ?