Page:Eliot - Silas Marner.djvu/53

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

point que votre silence vaille n’importe quel prix qu’il vous plaise de demander. Vous me soutirez mon argent de telle façon qu’il ne me reste plus rien pour apaiser cette femme, et elle mettra un jour ses menaces à exécution. Qu’importe, au bout du compte ! Je dirai tout à mon père moi-même. Quant à vous, allez au diable. »

Dunsey s’aperçut qu’il avait dépassé son but, et qu’il y avait un point où Godfrey lui-même, l’homme irrésolu, pourrait être amené à prendre une détermination. Pourtant, il dit d’un air d’indifférence :

« Comme vous voudrez ; mais, tout d’abord, je vais boire une gorgée de bière. »

Et, après avoir sonné, il se jeta en travers de deux chaises, et se mit à frapper la banquette de la fenêtre avec le manche de son fouet.

Godfrey était resté debout, le dos tourné au feu, remuant les doigts avec inquiétude au milieu du contenu des poches de son habit, et les regards fixés sur le sol. Son grand corps musculeux était tout rempli de courage physique ; cependant il ne lui suggérait aucune décision lorsque les dangers à braver ne consistaient point à terrasser ou à étrangler quelqu’un. Son irrésolution naturelle et sa couardise morale se trouvaient exagérées par une situation où les conséquences redoutables semblaient presser de tous côtés avec la même force. Son irritation ne l’eut pas plutôt provoqué à défier Dunstan, et à devancer toutes les dénonciations possibles, que les misères qu’il devait s’attirer