Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/138

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prend cette idée à son compte : le christianisme primitif, dit-il, a accompli « une œuvre immense et admirable » ; « le principe évangélique contenait un sublime pressentiment de la fraternité »[1] ; l’école fouriériste enûn « a donné et donne chaque jour les moyens scientifiques d’organiser sur la terre la charité universelle annoncée par le Christ »[2]. Aussi se garde-t-il de rabaisser le christianisme pur. « Il n’est rien de tel au monde que d’être païen, couronné d’hyacinthes et sacrifiant à Iacchos, le dieu vermeil », dit-il quelque part[3] ; mais tout aussitôt il ajoute : « à moins d’être ascète et de mourir au désert, consumé par la flamme de l’idéal ». Malgré tout ce qui le sépare des ascètes, il ne peut se défendre de s’enthousiasmer au spectacle de leur « effort sacré », et va même jusqu’à faire honte à l’indifférence du Grec pour les maux de la terre en lui opposant les « pleurs sublimes » qu’ils versaient. Il est vrai qu’il se donne assez naïvement les airs d’un homme expérimenté qui en sait plus long qu’eux (n’est-il pas le « calme contemplateur d’un plus divin système » ?)[4], mais il les admire quand même, et si ce sont des fous, du moins sont-ce des fous subli-

  1. Article de la Démocratie pacifique, du 25 octobre 1846.
  2. Lettre à Bénézit du 31 juillet 1846.
  3. La Rivière des Songes.
  4. Architecture.