Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/176

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ne serait que brutalité ; sur ce qui, en son absence, ne serait qu’une lutte d’instincts grossiers, elle jette sa splendeur qui en fait un drame sublime : et c’est là ce qui s’appelle morale. Leconte de Lisle a attaché à cette idée assez d’importance pour s’y arrêter dans la Préface des Poèmes et Poésies. où on lit quelques phrases vigoureuses sur la « valeur morale du polythéisme ». « En général, tout ce qui constitue l’art, la morale et la science, était mort avec le polythéisme. Tout a revécu à sa renaissance… » dit-il ; pour la science, l’art surtout, c’est presque un lieu commun ; mais la morale ? Voilà ce qui marque l’originalité propre de son hellénisme. Plus convaincants cependant que sa prose tranchante et dure[1] étaient ses poèmes eux-mêmes, et entre tous celui par qui le recueil grec s’ouvrait : Hypatie, où les Dieux helléniques sont des Dieux qui « abreuvent de science et d’amour »[2], où l’héroïne elle-même fait hésiter jusqu’aux chrétiens par la beauté de sa doctrine morale :

  1. « L’étude de cette théogonie, l’examen des faits historiques et des institutions, suffisent à la démonstration d’une vérité admise par tout esprit iibre d idées reçues sans contrôle et de préventions aveugles. »
  2. Cette expression n’est apparue que dans le texte de 1852, ainsi que le vers sur l’équité des sages dont Hypatie est héritière : ici encore, les modifications au texte ont tendu à dégager plus visiblement l’idéal païen du poète.