Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/179

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Et parfois, à l’abri des bois mystérieux,
Comme fait un ami, j’entretenais les Dieux[1].


La conséquence, c’est que le païen garde le sentiment de sa liberté et de la dignité de l’homme en face des Dieux : la terre païenne est libre[2], et ce n’est pas peu de chose pour Leconte de Lisle, c’est presque une condition de l’existence. Le poète dit du dernier Dieu qu’il a aperçu sur la terre déserte :


Majestueux et beau, ce spectre, auguste image
Des Rois olympiens, enfants des siècles d’or,
Se dressait, comme au temps où l’homme heureux encor
Saluait leurs autels d’un libre et fier hommage[3].


Tel est le dernier trait qui complète l’idéal païen de Leconte de Lisle, et qui a son importance : c’est

  1. Khiron [Poèmes antiques, p. 203].
  2. Dies Iræ.
  3. Le Dernier Dieu [Poèmes tragiques, p. 150]. Ménard revient toujours et toujours sur « cet intime et profond sentiment de la liberté humaine qui était la conséquence du système religieux polythéiste ». [Polythéisme hellénique, p. 263.] Dans la Morale avant les philosophes, tout un long développement (au chap. II) y est consacré. Aux pages 63 et 67, deux phrases qui éclairent vivement la strophe de Leconte de Lisle ; p. 63 : il y a dans « la piété des Grecs un caractère particulier de noblesse et de grandeur », et p. 67 : « Les Grecs parlaient aux Dieux debout et le front levé. »