Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/10

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 6 —

téressaient particulièrement ; mais par quoi ? quelle sorte d’intérêt y prenait-il ?

Il est trop clair, en effet, que le goût du pittoresque n’explique rien : si c’était le pittoresque que le poète cherchait, l’histoire profane — celle des mœurs, ou l’histoire politique, ou l’histoire guerrière — lui offrait une matière aussi riche que l’histoire religieuse ; pourquoi donc, chaque fois qu’il ressuscite une ancienne civilisation, insiste-t-il toujours sur le côté religieux ? Mais du moins est-il vrai que Leconte de Lisle recherche le pittoresque si exclusivement que cela ? On ne peut le croire sérieusement. Pour écarter ce préjugé qui risquerait de faire commencer la lecture de ce travail avec un sourire sceptique, tâchons, avant de passer au sentiment religieux lui-même, et en guise de préparation, de montrer ceci : que Leconte de Lisle regarde le passé en peintre certainement, mais surtout en historien sérieux et en philosophe. Qu’on lise les Poèmes attentivement : il serait difficile de citer un passage d’une certaine étendue composé de traits faits pour la seule imagination visuelle. La plupart du temps même, le côté mythologique extérieur, l’histoire des Dieux particuliers et toute la floraison des légendes, sont traités comme choses secondaires. Et quant aux menues bizarreries, jamais l’intérêt ne s’égare sur elles. Il y a des lecteurs qui en découvrent encore trop à leur gré et qui s’en plaignent ou s’en moquent :