Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/11

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s’ils savaient ce que c’est en comparaison des sources d’après lesquelles le poète travaille, et comme il a atténué, élagué, mis l’original à leur portée ! comme il écarte tout ce qui, par des détails baroques, aurait chance de troubler l’attention sérieuse due à la pensée du fond ! Si l’on veut un rapprochement suggestif, que l’on mette en regard des Poèmes la Tentation de saint Antoine qui, elle aussi, contient une revue des religions. L’analyse abstraite des doctrines chez Flaubert a beau être d’une intelligence très lucide : le large sens historique manque ; les descriptions de Flaubert ne sont qu’une accumulation de traits particuliers, bizarres, saugrenus, leur valeur est tout entière dans la qualité de la vision ; là on peut en effet parler de pittoresque dominant. Leconte de Lisle, c’est l’esprit, le génie des religions qui l’intéresse. Il n’entre pas dans mon sujet d’en donner une démonstration tout au long, mais chacun peut se la donner soi-même par l’examen d’un ou deux poèmes. Voici le Runoïa, poème finnois : le caractère essentiel de la religion du pays, avec sa magie, ses enchantements, ses sorciers et ses sorcières, transparaît à tout moment à travers le détail extérieur ; qu’on ouvre maintenant une étude faite par un historien spécialiste en la matière : c’est exactement le caractère qu’il fait ressortir. Mais quel chef-d’œuvre à cet égard que la Vigne de Naboth ! d’un côté, les cultes variés des Baalim,