Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/104

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Ainsi, en 1847, alors qu’il portait encore en lui de quoi animer le monde, il ne sentait pas la vie et l’esprit au fond des bizarreries hindoues. Ce n’est qu’après la crise où toutes ses espérances ont sombré

    rien qui ressemble à Yaso’da. [On peut le vérifier dans la traduction latine donnée par Lassen, à Bonn, in-4o, 1836 : c’est la seule antérieure à 1847 que j’aie vue mentionnée.]

    Une partie de la nouvelle est empruntée déjà au Bhâgavata-Purâna, au troisième volume, qui venait de paraître. Le roi Satyavrata trouve dans la rivière Krïlamala un petit poisson qui lui demande de le sauver de la voracité d’autres poissons plus gros ; le roi le prend, l’emporte, le met dans un vase ; mais le poisson grandit alors avec une vites>e si prodigieuse qu’il faut le transporter successivement dans une grande jarre, dans un étang, un lac, l’océan, où il finit par se révéler — Vichnou lui-même dans le récit hindou, et chez Leconte de Lisle le démon Hyayagriva [Bhâgavata-Purâna, livre VIII, chap. XXIV, histoire du Déluge] Sous cette forme, dit Burnouf, dans la préface du troisième volume, l’histoire n’était connue que par le Bhâgavata ; voilà donc une source certaine.

    Seulement, ce n’est qu’un tout petit épisode emprunté à une ou deux pages déterminées du Bhâgavata, et sans qu’on trouve par ailleurs l’ombre d’une réminiscence ; il faut donc supposer que Leconte de Lisle n’a connu cet extrait-là que par quelque citation, et que la source principale est autre. La plupart des noms propres de sa nouvelle sont étrangers au Bhâgavata, et pour l’orthographe même, il ne suit pas l’autorité de Burnouf et écrit Hyayagriva pour Hayagriva, Critamala pour Krïtamala, Héry pour Hâri. La source inconnue est encore à trouver, si l’on veut se donner la peine de la chercher, car, au jugement des plus compétents, elle devait être de valeur médiocre et plutôt un ouvrage de seconde main.