Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/122

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tout est mal, que le monde « n’est qu’une grande accumulation de douleurs » ; il se place devant ce fait avec calme, presque avec sérénité ; il médite sur les moyens de s’affranchir de l’existence ; il les trouve, puis il s’achemine vers le Nirvana tranquillement, d’un pas égal. Pour Leconte de Lisle, au contraire, c’est un étonnement toujours nouveau de ne trouver dans l’existence que mal et vanité, toujours il attend autre chose, et c’est en vain qu’il répète sa formule : « il n’y a rien ». Le Bhâgavata dit d’un ton paisible en parlant du sage : « Qu’il ne désire pas l’inévitable mort ; qu’il ne recherche pas davantage la vie qui dure si peu »[1] ; Leconte de Lisle, par un effet contraire, aime et hait à la fois la vie et la mort et, malgré la Mâyà et le Néant, il continuera. La métaphysique nihiliste ne l’a guéri qu’à moitié.

  1. Bhâgavata-Purâna, VII, xiii, 6.