Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/130

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La Recherche de Dieu illustre admirablement ce dernier vers, la transition du je au nous. On se demande en vain : parle-t-il de l’homme ou de lui-même ? car il parle de l’un et de l’autre, de l’un dans l’autre Le poète ne se dérobe derrière aucun héros ; à travers tout le poème il dit simplement je, et bien des traits en effet s’appliquent à lui personnellement : il regrette son « bel âge amoureux », il pressent le « Dieu de sa virilité » (il avait vingt-sept ans alors), il parle de 1’ « esprit contemporain » qu’il devance, fait allusion à son passage dans le christianisme. Mais d’autre part son pèlerinage l’a mené à Rome et en Allemagne (où Leconte de Lisle n’a jamais été), il est « face à face avec la mort », « la tête courbée du poids de cent hivers » : voilà donc un homme fictif, symbolique. Et enfin, il est « l’apostat éternel des cultes de ce monde », ses souvenirs remontent au Paradis terrestre[1] : c’est donc qu’il est l’humanité elle-même, et c’est par le nom d’humanité aussi que l’Esprit de la terre vient l’interpel-

    ne portent aucunement la marque hindoue ; d’après la conception hindoue, quand on a connu son identité avec l’Être suprême, on n’éprouve plus ni passions ni maux.

  1.                                  Depuis l’heure effrayante
    Où l’archange brandit sa lame flambloyante,
    Et, sur le seuil céleste appuyant son pied blanc,
    M’aveugla d’un revers du glaive étincelant,
    Qu’elle est longue la nuit !