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CHAPITRE VIII

La vérité des religions



Mais, avec quelque gravité et quelque amour qu’il les traite, il sait bien que ce sont de purs songes, des créations de l’homme, des hallucinations : l’esprit, est-il dit dans Bhagavat, « n’embrasse l’Infini qu’en un sublime rêve ». Tout en les faisant revivre dans leur jeunesse et leur éclat, tout en s’idenlifiant aussi profondément que possible avec ceux qui y ont cru, il ne peut oublier ce qu’est en réalité tout ce monde religieux : une œuvre inconsistante de l’imagination humaine, une sorte de léger voile de gaze brodé de figures d’or qu’elle jette sur le monde. Mais le monde lugubre, le monde tel qu’il est, transparaît toujours au travers ; Leconte de Lisle aura beau varier les lieux et les actions de ses poèmes : derrière le premier plan où se meuvent ses héros divins il retrouvera partout l’immense fond noir prêt à les engloutir. En plein poème mythologique, parfois, un mot que l’auteur laisse tomber en passant vient brusquement jeter sur toute l’œuvre