Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/210

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faits du spiritualisme chrétien, quand il chantait l’immortelle espérance, il ne songeait en effet qu’à ce qui est réellement l’espérance, à l’immortalité céleste : l’au-delà, pour lui, c’était le trône de Dieu et les beaux anges blancs qui l’entourent. Mais il tourne les yeux d’un autre côté, et la face sombre lui apparaît, la terreur à côté de l’espérance.


Ainsi, gêne sur gêne et tourment sur tourment,
Carcans de braise, habits de fer, fourches de flammes,
Tout cela, tout cela dure éternellement[1].


Quel effet pouvait produire un tel coup sur un disciple de Fourier ! Une éternité de souffrances, que ce soit sur terre ou par delà, pour l’ensemble de l’humanité ou pour l’individu, il n’y a rien contre quoi l’esprit du fouriérisme proteste plus fort. Ce premier bienfait qu’on demande à chaque religion, la perspective de l’immortalité, le catholicisme en fait quelque chose de pire que le néant. Le beau rêve d’éternité que d’être planté au bout d’une broche comme un porc trop gras[2] et de tourner dans le feu !

En règle générale[3], Leconte de Lisle, dans l’immortalité chrétienne, ne voudra plus voir que cela.

  1. La Vision de Snorr.
  2. Hiéronymus [Poèmes tragiques, p. 95].
  3. Il y a naturellement des exceptions, comme les deux, dernières strophes de l’Acte de Charité [Poèmes barbares, p. 284].