Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/211

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans le christianisme, il n’y a que le catholicisme qui l’intéresse ; et le catholicisme, c’est l’enfer. « Voici que l’humanité ne veut plus de l’enfer terrestre et céleste, et que le catholicisme est en horreur aux nations… Que les démons catholiques aillent grincer des dents où bon leur semblera[1]. »

Mais l’horreur de l’enfer n’est pas quelque chose de bien original ; il y a à l’hostilité de Leconte de Lisle contre le christianisme une raison plus profonde. La seule idée d’un Dieu lointain, caché, invisible, lui répugne ; « Dieu triste, Dieu jaloux qui dérobes ta face »[2], c’est le cri du polythéiste qui rêve la vie dans la familiarité des Dieux heureux. Mais ette idée de la soumission, de la subordination à une puissance de par-delà notre monde, qui fait pour lui le fond du christianisme, il ne peut vraiment que la haïr. L’hostilité de Leconte de Lisle n’a jamais contenu l’idée puérile que les puissants de l’Église se soient servis de la foi comme d’un masque, ou comme d’un instrument propre à servir leurs ambitions temporelles ; le pape dont le portrait est fait au début des Deux Glaives n’est certes pas un hypocrite ; si tout

  1. Lettre à Bénézit, 31 juillet 1846. — L’enfer terrestre, c’est le mal social que les chrétiens prétendent être une nécessité, et dont le fouriérisme apporte le remède ; l’enfer « céleste », c’est-à-dire celui de l’au-delà, c’est l’éternité de tortures réservée à chaque homme individuellement.
  2. Qaïn [Poèmes barbares, p. 18].