Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/216

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Poésies barbares », comme si la barbarie, c’était le catholicisme. Aussi trouve-t-on dans le recueil de 1862 des poèmes sur le christianisme qui commencent à être durs. Les Paraboles de Dom Guy[1] font de l’état de l’Église au début du xve siècle une peinture qui n’est pas flattée ; les moines décrils dans les Deux Glaives et dans l’Agonie d’un Saint, pour être de la grande époque, n’en sont pas plus séduisants, avec leur aspect et leurs coutumes lugubres ; le fanatisme des persécuteurs est fustigé dans des vers sanglants, et il y a un chœur des Césars sur la Rome des papes, humiliée aux pieds d’un « vil moine », où l’indignation du poète se fait jour à travers celle de ces héros. Dans le Corbeau enfin, l’ironie s’abat sur tout, sur la vie des monastères, les pratiques, les récits de l’Ancien Testament, le dogme ; on se demande même comment Leconte de Lisle a pu écrire ainsi cinq cents vers ou plus de plaisanteries froides sur les sujets qui Intéressaient le plus. Cependant, la mesure est généralement gardée, non seulement la mesure artistique, mais encore celle qui naît de la véritable hauteur de vues. Prenons les Deux Glaives : ce pape rigide, dur, haï est un beau type d’homme,

    C’est ce qui explique qu’il parle ici de judaïsme, quoiqu’il ne lui ait consacré, dans ce recueil, qu’un seul poème en tout et pour tout.

  1. Poèmes barbares, p. 325.