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que Leconte de Lisle était bien prévenu en faveur du christianisme : à supposer qu’il y ait dans Dumas des vers profonds, ce ne sont pas ceux-là, certainement.

Pendant plusieurs années, Leconte de Lisle persévérera dans cette direction. La religion a pris laplace de la philosophie du xviiie siècle, qu’il néglige si bien qu’un jour il la biffera tout entière d’un trait de plume : « Le xviiie siècle, dira-t-il, n’a jeté deux puissants et magiques éclats qu’à son agonie : la réaction politique et la réaction littéraire »[1]. Parmi les écrivains, il ne laisse debout que Chénier, comme précurseur de Lamartine. De plus en plus, il se pénétrera d’esprit chrétien, et se considérera comme un véritable initié regardant avec pitié ceux qui n’ont pas compris les « rêves sublimes du spiritualisme chrétien, la seconde et suprême aurore de l’intelligence humaine »[2]. La même empreinte se retrouve sur sa sensibilité, sa pensée, ses principes de conduite. La sensibilité : contrairement à Chénier, c’est par la « sublime et douloureuse tristesse de la Grèce chrétienne » qu’il est touché, plus que par toutes les beautés de la Grèce antique[3]. La pensée : ici tout serait à citer. Il n’y a pas jusqu’à

  1. Esquisse sur Chénier.
  2. Ibid.
  3. Ibid.