Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/92

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l’évolution est accomplie. Dies Iræ, c’est la reprise du sujet de la Recherche, avec cette différence que le regard ne se tourne plus vers l’avenir : le pessimisme est définitif.

Un événement extérieur a pu y contribuer d’une certaine façon : la Révolution de 1848, c’est-à-dire, pour parler exactement, l’échec qu’y éprouvèrent les partis avancés. Non pas certes que cet échec lui ait été par lui-même un coup dont il ne se soit pas relevé. Après une explosion de colère au début, il semble que Leconte de Lisle en ait pris son parti. Il n’attribuait pas à cette tentative une importance telle qu’après la défaite il ne restât plus qu’à s’abîmer dans le désespoir ; il la considérait comme un simple épisode d’une lutte éternelle, non comme un fait immense, une occasion unique qui ne reviendra plus. À Ménard qui s’impatientait, se démenait, répétait que « la lutte est ouverte », il répondait : « Il y a bien des siècles que cette lutte est commencée et elle se perpétuera jusqu’au jour où le globe s’en ira en poussière dans l’espace »[1]. Il fut loin de perdre confiance dans l’avenir : a la révolution s’accomplira», dit-il encore dans une lettre[2] ; et l’on voit par Qaïn et par lesécrits d’autour de 1870 qu’il ne se découragea jamais. Seulement, si l’aven-

  1. Lettre à Ménard du 7 septembre 1849. [Leblond, p. 241.]
  2. Lettre du 27 septembre de la même année. [Ibid., p. 244.]