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Ici la vie et la dignité humaine ont été maintes fois attaquées et anéanties. Gaston Bachelard affirme, dans sa Poétique de l’espace, que la maison protège l’intimité de celui qui l’habite, lui consentant de « rêver en paix » ; la maison est pour Bachelard, l’espace de la rêverie, des images de celui qui y vit, quasi l’extension physique de son âme. En frappant les maisons ils ont touché au plus profond ceux qui les habitent ; mais cela n’a pas suffi. Afin d’anéantir toute forme d’identité, de mémoire, de possible continuité, chaque édifice dans les Balkans, quel qu’il soit, a été détruit avec acharnement. Surmonter, aller au delà des limites d’une possible reconstruction et éliminer la possibilité de retour pour les habitants signifiait, pour les agresseurs, déraciner complètement une culture. Ainsi, dans l’intention de toucher le corps social, le « nettoyage ethnique » a pris aussi la forme d’un urbicide.

Les maisons de Licha sont désespérément impraticables. Dans Inside out, réalisée en 2002, la maison est de nouveau une cellule cubique faite de matériaux recyclés dont l’intérieur est doublé d’un tissu aux motifs de papiers peints ; Le textile n’adhère pas aux murs mais est continuellement poussé à l’extérieur créant un prolongement, prothèse qui double le volume de la maison, résolument inaccessible. « Le véritable intérieur de cette construction se trouve entra les parois de la partie solide et celle de la partie textile, et on n’y a jamais accès. Lorsqu’on pense être à l’intérieur on est aussitôt expulsé par la membrane qui se retourne. On n’entre jamais dans cette « maison », on en reste toujours à l’extérieur » explique Licha, soulignant ainsi comment l’œuvre tend à nier le sens même de l’architecture. Que ces extériorisations et contractions évoquent une