Page:Emerson - Société et solitude, trad. Dugard.djvu/20

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rompra pas si nous venons dans le monde avec notre propre manière d’être et de parler, et l’énergie de la santé pour choisir ce qui est nôtre et rejeter ce qui ne l’est pas. La société nous est nécessaire ; mais que ce soit la société, et non le fait d’échanger des nouvelles, ou de manger au même plat. Être en société, est-ce s’asseoir sur une de vos chaises ? Je ne vais point chez mes parents les plus intimes, parce que je ne désire pas être seul. La société existe par affinités chimiques, et point autrement.

Réunissez des gens en leur laissant la liberté de causer, et ils se partageront rapidement d’eux-mêmes en bandes et en groupes de deux. On accuse les meilleurs d’être exclusifs. Il serait plus vrai de dire qu’ils se séparent comme l’huile de l’eau, comme les enfants des vieillards, sans qu’il n’y ait là ni amour ni haine, chacun cherchant son semblable ; et toute intervention dans les affinités produirait la contrainte et la suffocation. Chaque conversation est une expérience magnétique. Je sais que mon ami peut s’exprimer avec éloquence ; vous savez qu’il ne peut articuler une phrase : nous l’avons vu en des réunions différentes. Assortissez vos hôtes, ou n’invitez personne. Mettez en tête à tête Stubbs et Coleridge, Quintilien et Tante Miriam, et vous les rendrez tous malheureux. Ce sera immédiatement une geôle bâtie dans un salon. Laissez-les chercher leurs pareils, et ils seront aussi gais que des moineaux.

Une civilisation plus haute restaurera dans nos mœurs un certain respect que nous avons perdu. Que faire avec ces jeunes hommes effervescents qui se frayent un passage à travers toutes les barrières, et se comportent dans toutes les maisons comme s’ils