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Page:Emerson - Société et solitude, trad. Dugard.djvu/272

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vidu qui vient à la réunion. La passion, partout semblable à elle-même, se glisse sous les neiges de la Scandinavie, sous les feux de l’Équateur, et nage dans les mers de la Polynésie. Dans l’Edda Scandinave Lofn est une divinité aussi puissante que Camadeva sous le firmament embrasé de l’Inde, Eros en Grèce, ou Cupidon dans le ciel latin. Et ce qui est particulièrement vrai de l’amour, c’est que c’est un état d’impressionnabilité extrême ; l’amoureux a des sens plus nombreux et plus fins que les autres ; ses yeux et ses oreilles sont des télégraphes ; il lit des présages dans la fleur, le nuage, la physionomie, les formes, les gestes, et les lit juste. Dans son étonnement devant l’entente entière et soudaine qui règne entre lui et la créature bien-aimée, il lui vient à l’esprit qu’ils pourraient, d’une manière ou de l’autre, se rencontrer indépendamment du temps et de l’espace. Qu’elle est délicieuse l’idée qu’il pourrait éluder toutes les surveillances, les précautions, les cérémonies, tous les moyens et délais, et communiquer avec elle immédiatement et pour toujours ! Dans la solitude, l’exil, l’espoir revient, l’expérience est tentée, les puissances surnaturelles semblent se mettre de son côté avec empressement. Ce qu’il a sur les lèvres, son amie le dit. S’il lui arrive durant la promenade de tourner la tête, l’amie marche derrière lui. Et il arrive que l’artiste dessine souvent dans ses tableaux le visage de la future épouse qu’il n’a pas encore vue.

Mais en des sentiments qui ne sont nullement aussi exclusifs que ceux de la passion, l’homme sympathique considère aussi comme un plaisir le seul fait d’entendre la voix d’un enfant qui s’adresse tout à lui, ou de voir les manières aimables de la jeu-