Page:Emerson - Société et solitude, trad. Dugard.djvu/41

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

s’élevant à passer de la pensée à l’acte, exactement comme la plante, au moment de la germination, lutte pour monter à la lumière. L’idée est la semence de l’acte ; mais l’acte en est tout autant la seconde forme que l’idée en est la première. Elle monte dans l’entendement, afin d’être exprimée et réalisée. Plus la pensée est profonde, plus elle est opprimante. Toujours en proportion de la profondeur de sa signification, elle frappe importunément au seuil de l’âme, afin de s’exprimer, de s’accomplir. Ce qui est à l’intérieur veut passer à l’extérieur. L’idée lutte pour naître. La parole est une grande joie, l’action une grande joie ; on ne saurait les retenir.

L’expression de la pensée et de l’émotion par la parole et l’acte peut être consciente ou inconsciente. L’enfant qui tette est un acteur inconscient. Dans l’extase, la colère ou la peur, l’homme est un acteur inconscient. Une grande partie de nos actions habituelles sont faites inconsciemment, et la plupart de nos paroles nécessaires sont inconsciemment dites.

L’expression consciente de la pensée, par le discours ou l’acte, en vue d’une fin quelconque, constitue l’Art. Depuis le premier babil imitatif de l’enfant jusqu’aux victoires de l’éloquence, depuis son premier jeu de construction ou son pont fait de morceaux de bois, à la maçonnerie du phare du Rock de Minot ou au chemin de fer du Pacifique, depuis le tatouage de Owhyhees aux galeries du Vatican, depuis le plus simple expédient de prudence individuelle jusqu’à la Constitution américaine, de ses premières œuvres aux dernières, l’Art est un emploi et une combinaison de choses que l’esprit fait volontairement pour atteindre ses fins. Le Vouloir en fait