Page:Emerson - Société et solitude, trad. Dugard.djvu/56

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construire une tour. On en fit ensuite une question d’orgueil de famille — et pour se distinguer davantage, on imagina la nouveauté d’une tour penchante.

Cette étroite subordination de l’Art à la Nature matérielle et idéale, cette nécessité adamantine qui est à sa base, a fait tout son passé et peut faire prévoir son histoire à venir. Appeler les arts à la vie n’a jamais été au pouvoir d’un homme, ni d’une société. Ils surgissent pour servir ses besoins présents, jamais pour satisfaire sa fantaisie. Les arts ont toujours leur origine en quelque sentiment enthousiaste, comme l’amour, le patriotisme, la religion. Qui a taillé le marbre ? L’homme croyant, qui désirait symboliser leurs dieux aux Grecs dans l’attente.

Les Cathédrales gothiques se sont élevées quand le prêtre et le peuple étaient dominés par la foi. L’amour et la crainte en ont édifié chaque pierre. Les Madones du Titien et de Raphaël étaient faites pour être adorées. La tragédie fut créée pour la même fin, ainsi que les miracles de la musique : tous ont jailli de quelque enthousiasme véritable, et jamais du dilettantisme ou du passe-temps. Actuellement ils languissent, parce qu’ils ne visent qu’à l’exhibition. Qui se soucie des œuvres d’art que le Gouvernement a commandées pour le Capitole[1] et qui les connaît ? Ce sont de simples ornements pour plaire aux yeux des gens qui ont commerce avec les livres et les Musées. Mais en Grèce, le « Demos » d’Athènes se divisait en partis politiques au sujet des mérites de Phidias.

Dans notre pays et à notre époque, d’autres intérêts

  1. Chambre du Parlement, à Washington (T.).