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Page:Emery - Vierges en fleur, 1902.djvu/100

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VIERGES EN FLEUR

et imprécises, des silhouettes de monstres gigantesques, des profils presque humains, des images étranges, des ogres, des titans, des fées, des mélusines. Les flots se brisaient à leurs pieds, s’engouffraient avec fracas dans leurs gueules accroupies et penchées. L’une de ces pierres, rosée comme des chairs, semblait une femelle, écroulée et pâmée en des joies solitaires ; et sa bouche écumait, tordue par la folie.

Philbert, à plat ventre sur le sable, contemplait cette féerie, et laissait sa pensée courir dans un galop de chasse à la chimère.

En ce Trégastel sauvage, l’âme de la Bretagne semblait réfugiée : enfuie des plages, épouvantée par la musique des casinos, l’envahissement des touristes anglais, elle semblait ici protégée par les formidables granits. Ils défendaient la mer, ainsi que des dragons ; ils dressaient une barrière inexpugnable à la rage architecturale des spéculateurs qui sèment les villas, les hôtels sur tout le littoral.

La mer montait. Le flux vint menacer Philbert, le prendre à sa rêverie. Il se leva. Déjà, des cabines prochaines descendaient des baigneuses en maillots défraîchis.

Ce fut subitement une apparition de gorges ballonnantes et de croupes oscillantes.

Les messieurs bedonnants, les dames gélati-