Aller au contenu

Page:Emery - Vierges en fleur, 1902.djvu/147

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
145
VIERGES EN FLEUR

— Vous m’avez tout volé, monsieur, jusqu’à l’espoir.

— C’est la seule chose que je vous aie ravi ! Si ce n’eût été moi, un autre serait venu demain, à qui Luce se serait donnée.

— Jusqu’à demain du moins j’aurais été heureux.

— Luce n’est pas à moi, et qui sait si jamais je serai le faucheur de sa virginité…

— Je vous en prie : partez !

— Partir ?

— Retournez à Paris.

— Je serai bon diable : je vous exaucerai à demi. Je m’éloignerai, du couvent. Mais je ne veux pas fuir, déguerpir sans raison ; je donnerai un motif à ma fugue ; je prétexterai une excursion dans la campagne bretonne, je resterai absent quelques jours. Vous, mon cher, employez ce temps à vous faire aimer et à me perdre dans l’esprit de Luce, à lui représenter que je suis le serpent maudit des Saintes-Écritures, à faire qu’elle s’écarte avec horreur de moi. Car sitôt mon retour, ceci je vous le jure, je n’aurai plus qu’un but, un seul : être l’amant de la petite. Or, croyez-moi, mon cher, le meilleur moyen pour triompher de moi, c’est de prendre la belle. Soyez l’initiateur ! La mignonne est à point pour la première fête.