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Page:Emery - Vierges en fleur, 1902.djvu/160

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VIERGES EN FLEUR

— Si mon désir ardent et ma tendresse profonde, répondit Philbert, avaient un tel pouvoir, vous seriez encore plus proche de moi ; j’aurais votre chère tête inclinée doucement et posée sur mon cœur.

— Vous m’aimez donc un peu.

— Non. Pas un peu. Follement, passionnément.

— Vous êtes très sincère ?

— Je n’ai jamais menti.

Alors Luce chercha la main du jeune homme et la prit dans les siennes. Puis, sa tête se courba et se réfugia, câlineuse, vers la forte poitrine de l’ami.

— Vous êtes exaucé, dit-elle.

Philbert s’attendrissait. La paix de cette chaumière, la nuit pénétrant par l’étroite fenêtre, la flambée des ajoncs et le jeune parfum du corps souple, alangui, le grisaient d’une molle et lente ivresse. Des rêves de douceur infinie le hantaient. Il avait la vision d’une vie apaisée et vouée désormais à l’amour sans tempêtes, l’amour de cette enfant qu’il saurait chérir seule. Oui, c’était le bonheur sans doute : renoncer à toutes les folies, aux débauches sans trêve, s’éloigner de Paris et des cités de vice, s’exiler avec l’adorée en un ermitage de cette Bretagne superbe et sauvage… le bonheur !