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Page:Emery - Vierges en fleur, 1902.djvu/213

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VIERGES EN FLEUR

— Alors vous l’aimez donc ?

— Qui ?

— L’inconnu… Pauvre enfant ! Pardonnez que j’insiste et veuille vous arracher à votre aveuglement. Je n’ai pas l’intention de diffamer cet homme : mais je puis vous affirmer que vous devez le fuir. Toute femme qu’il approche, il la souille ; jeune ou vieille, il lui faut de chacune flétrir l’âme. Je ne puis, je n’ose tout vous dire. Vous croyez qu’il vous aime : il est votre ennemi, croyez-moi, croyez-moi.

Un instant, tous les deux gardèrent le silence ; et tout à coup des râles, des soupirs les émurent. Tout près, dans les rochers des êtres pantelaient.

Luce fit quelques pas, pencha la tête vers un gouffre.

Dans le creux des récifs, elle discerna deux corps. Elle crut tout d’abord que le combat engagé après la course sur la grève se dénouait maintenant par un crime.

Un des lutteurs, la tête ensanglantée, était là ; il semblait s’acharner ; des sanglots montaient.

Luce aperçut bientôt une femme ; c’était la Bretonne pour qui les gars s’étaient battus.

Luce eut peur, murmura :

— Voyez, voyez, monsieur l’abbé.

Et l’abbé s’approchant, regarda, devint pâle.

Puis il balbutia :