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Page:Emery - Vierges en fleur, 1902.djvu/234

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VIERGES EN FLEUR

— Les malédictions, mon cher, c’est de la Bible, du drame. Soyons de notre siècle. Et, le sourire aux lèvres, vengeons-nous. Qu’on meurtrisse nos pauvres cœurs épris, qu’on rompe nos espoirs et qu’on brise nos rêves, hé, l’abbé, sourions toujours. Le pleur est lâche et bête. Soyons mâles, virils ; ne nous laissons pas prendre aux douceurs, aux tendresses et ne souhaitons pas d’impossibles amours. Contentons-nous des ruts apaisés, de jouissances ; en la femme n’aimons que la chair. Ça, du moins, ne nous trompe jamais : on se saoule, on se pâme et l’on râle de joie. Et l’étreinte à peine dénouée, on récupère sa liberté ; nulle chaîne ne nous tient rivé à l’esclavage. Et l’on triomphe alors des ruses féminines. Si d’aventure on tombe au piège, on s’évade en laissant à peine quelques plumes. Hier j’étais fou de Luce ; j’allais lui sacrifier ma vie, ma belle indépendance, m’asservir en un mot. Mais aujourd’hui, morbleu, mon cœur est bien guéri !

— Donc vous l’abandonnez…

— Je la lègue au mari que vous avez trouvé. Mariez-la, mon cher, avec votre cousin.

— La jeter en ses bras, impure, maculée.

— Oh ! oh ! ces taches-là se lavent, disparaissent !

— Mais elle n’est plus vierge !