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Page:Emery - Vierges en fleur, 1902.djvu/25

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VIERGES EN FLEUR

— Oui, c’est vrai, vous avez remué en moi un trouble redoutable. Et j’oublie, avec vous, que je ne m’appartiens pas et ne suis plus vivant ; ainsi que les jésuites, je ne suis qu’un cadavre ; mon corps et mon esprit sont morts. De profundis !

— Ressuscitez, l’abbé. Levez-vous de la tombe.

— Hélas ! la pierre sépulcrale qui m’écrase est trop lourde.

— Alors, vraiment, vous ne l’avez jamais renversée, pour vous échapper un instant dans les paradis terrestres ?

L’abbé ne répondit pas. Mais son visage s’éclaira d’une lueur d’extase.

Philbert s’interrompit un instant, observa le jeune prêtre qui se réfugiait sans doute maintenant dans la beauté de souvenirs radieux.

Le train courait à travers des terres vallonnées où les ajoncs dressaient leurs piques et leurs fleurs. Des maisons de granit apparaissaient soudain, entourées de pommiers aux rameaux étrangement convulsés et tordus. Le ciel était de pourpre et d’azur, et des nuages d’argent accouraient de la mer. Quelques clochers à jour dressaient leurs flèches coquettes, découpées ainsi que de vieilles dentelles, pour parer le pays d’Armor.