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Page:Emery - Vierges en fleur, 1902.djvu/309

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VIERGES EN FLEUR

tite sœur, rentre aussi. Mes chéries, allez, embrassez-moi, je vous rejoins bientôt.

Quand Marie-Reine et Philbert se trouvèrent seuls, leurs voix se turent. La communion de leur tristesse, mieux que de vaines paroles, continuait l’entretien.

Cependant, doucement, Marie-Reine demanda :

— Vous avez donc aimé ?

— J’aime encore.

— En effet, j’oubliais… Vous du moins, vous avez conservé l’amour, si vous pleurez la morte ! Depuis combien de temps, dites, n’est-elle plus ?

— Depuis longtemps, longtemps…

— Est-il possible, ô ciel, qu’un homme soit ainsi fidèle à sa piété pour la très aimée !…

— Je ne suis pas le seul exemple, j’imagine, d’une telle constance.

— Les hommes n’aiment pas.

— Les femmes n’aiment plus.

— Oui, c’est vrai, nous vivons en un siècle lamentable. L’amour n’y luit plus guère. Les sexes s’associent par intérêt, par raison, par instinct. Les âmes n’ont plus de chimère, d’idéal…

— Nous sommes, l’un et l’autre, d’un autre âge…

— Oui sans, doute… Et, cette simple phrase que vous venez de prononcer évoque en moi une