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Page:Emery - Vierges en fleur, 1902.djvu/310

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VIERGES EN FLEUR

vision obscure et confuse de passé. C’est étrange, je tremble et j’ai peur maintenant. Ces mots, qui sonnent encore et sont repercutés en moi par un écho mystérieux « nous sommes d’un autre âge », ils m’épouvantent presque. C’est étrange. C’est fou…

— Ah ! l’énigme du monde et de nos existences, par instants, nous surprend, nous étreint et nous angoisse… Qui sait, — vous allez dire que je suis un dément, — il me semble que je vous ai vue déjà… oui… Mais, des siècles ont passé depuis…

— Oh ! taisez-vous ; j’ai peur, comme un enfant à qui l’on raconte une histoire de trépassés et de revenants…

— Si vous tremblez ainsi, c’est qu’en vous je ressuscite des souvenirs de l’âge, de l’époque lointaine, où nous nous sommes connus, là-bas peut-être, en ce vieux Roscoff.

— Chacune de vos paroles m’émotionne davantage. La première fois que je suis venue à Roscoff, j’avais seize ans alors, il me sembla que j’entrais dans une ville déjà connue ; quelques-unes des vieilles gentilhommières m’étaient familières ; par la pensée je réédifiais des ruines, la chapelle croulante… mais, j’ai peur, je frissonne… je vous en prie, ne parlons plus de toutes ces choses… Je voulais provoquer votre confession, entendre le récit de vos chagrins…