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Page:Emery - Vierges en fleur, 1902.djvu/35

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VIERGES EN FLEUR

— Erreur, vous possédez un trésor important, le plus précieux de tous : la beauté !

— Les jeunes hommes préfèrent les bons écus sonnants ?

— Quels jeunes hommes ? Les sots, les rustres, les croquants ! Pourquoi n’avez-vous pas quitté ce pays de sauvages, n’êtes-vous pas allées à Paris ?…

— Nous nous sommes résignées à notre sort. Nous habitons, près de Lannion, un vieux manoir en ruines, mais d’aspect merveilleux, le castel Kerbiquet. Une ferme voisine nous donne assez de revenus, pour être presque des châtelaines : à la ville nous serions misérables. Nous vivons maintenant ainsi que des garçons, indépendantes, très libres, hors les convenances et les étiquettes. Voyez, je vous raconte à vous, un inconnu, mon existence, mes secrets et même mes tristesses. Mais cette libre allure garçonnière n’a pas le ridicule des pruderies farouches des vieilles demoiselles.

— Hé !… je proteste encore, et de nouveau m’afflige que vous vous ensevelissiez dans la solitude de ces territoires. Avec votre beauté, avec votre nature raffinée, élégante, vous eussiez été une reine de Paris.

— Ah ! Paris ! C’est l’Éden, le Paradis ter-