— Je me présente aussi ; Jeanne de Kerbiquet, vingt-huit ans, vieille fille…
— Fille, c’est bien possible, mais vieille, je le nie.
— Pourtant dans le pays c’est ainsi qu’on nous nomme, mes sœurs et moi : les trois vieilles filles de Kerbiquet.
— Ce pays est peuplé de crétins et de brutes.
— Oh ! vous exagérez !
— Si je n’ai pas l’honneur de connaître les trois demoiselles de Kerbiquet, j’en vois au moins une, et d’après celle-là je juge les autres ; je suis sûr qu’elles sont d’adorables personnes.
— Mes sœurs sont mieux que moi, beaucoup mieux, quoique un peu plus âgées : l’une a trente ans, l’autre trente-deux.
— Vouées toutes les trois au célibat !
— Je vous l’ai dit : vieilles filles !
— Trois bouches inutiles !
— Vous n’êtes pas gentil !
— Trois bouches qui pourraient charmer, mais qui ne veulent pas.
— Ce n’est pas le vouloir, monsieur, qui nous a fait défaut. Ce qui nous a manqué, pour nous marier, ce fut la dot. Nous ne sommes pas riches : notre père en mourant nous a laissé de très petites rentes, juste de quoi vivre dans ce pauvre pays.