Aller au contenu

Page:Emery - Vierges en fleur, 1902.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
38
VIERGES EN FLEUR

demi-clos, il revit les yeux verts, les yeux tristes, les yeux flambants, les yeux phosphorescents de Jeanne de Kerbiquet…

Il se disait que la jeune fille serait une proie délicate, un régal savoureux. Il se rappelait, au moment de la séparation, l’étreinte prolongée de ses mains, presque une caresse. C’était un beau roman d’amour qui débutait.

Soudain, un espoir fou, un espoir d’insatiable amant de toutes les femmes s’alluma dans sa chair.

Pourquoi borner son désir au baiser d’une seule bouche ? Pourquoi ne pas cueillir la gerbe des trois sœurs ?

Oui, oui, moissonner glorieusement la triple virginité des demoiselles de Kerbiquet, jeter à la passion leurs corps de belles filles vouées au célibat, c’était œuvre tentante. Et le briseur de vierges, exalté par la difficulté de l’aventure, la jugea digne de sa prouesse.

En route donc pour le castel. On devait traverser des routes défoncées, des sentiers hérissés de granits. Pour s’assurer au moins une nuit au manoir, Philbert pria le voiturier qui l’amenait dans sa mauvaise carriole de détaler, dès l’arrivée. Les trois demoiselles ne seraient pas assez inhumaines pour renvoyer leur hôte à pied dans des chemins non connus. Et durant une nuit, toute