Aller au contenu

Page:Emery - Vierges en fleur, 1902.djvu/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
48
VIERGES EN FLEUR

Son esprit s’éperdait, comme en un cauchemar de volupté.

Délicieusement son corps se plongeait dans le flot vivant ; ses mains se reposaient sur la tiédeur des gorges, se baignaient en la soie molle des chevelures. Et sa bouche toujours s’ouvrait se délectait, buvait à mille coupes l’ivresse du baiser.

Par instants, sa pensée, essaimée, dispersée, parvenait à se dégager de son affolement : il lui semblait alors que des heures, des heures avaient passé, et qu’au lieu des trois sœurs c’étaient des légions de femmes qui se tordaient dans l’ombre et s’engluaient à lui.

Pendant une de ces lueurs de raison, il pensa :

— Je suis peut-être mort, et c’est ici l’enfer : l’enfer de ceux qui comme moi n’ont vécu que pour l’amour. L’éternel châtiment pour nous c’est le supplice de désirer sans cesse, et d’être toujours leurrés : mais le supplice est doux et j’aime ses tortures. Et cet enfer parmi les lèvres, parmi les croupes, parmi les seins, est meilleur que le ciel.

Des bouches se liaient à la sienne, prolongeaient leur étreinte, semblaient se disputer ses lèvres, unir leurs haleines brûlantes, semer leurs souffles chauds, gorgés de parfums irritants, vénéneux. Et c’étaient des poisons que versaient