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Page:Emery - Vierges en fleur, 1902.djvu/49

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VIERGES EN FLEUR

bouche parsema des baisers, se perdit dans les seins, sur les lèvres ; mais cette chair coulait, fluide, entre ses doigts, avait la caressante et molle ondulation d’un océan qu’on ne peut saisir, qu’on embrasse et qui fuit.

Dans sa rage irritée de prendre et de tenir une des demoiselles pour être son amant, il se désespérait, s’accrochait aux chevelures, attirait une tête, l’emprisonnait dans un baiser, cherchait à capturer un corps, à le lier ; mais d’autres seins passaient, d’autres bouches glissaient sous la sienne, pour la fuir aussitôt, déjouer son étreinte, rire de son désir, l’exaspérer encore.

Sa raison s’égarait, ses bras s’engourdissaient.

Il soupira :

— Pitié ! pitié ! mesdemoiselles. Oh ! Jeanne, je t’adore ! Yvonne, je te veux ! Michelle, sois à moi ! Pitié ! oh ! que je meure dans la joie de l’amour, de votre triple amour !

Mais ses supplications restaient vaines. Les gorges et les mains, les bouches et les nuques coulaient, coulaient toujours, étaient insaisissables.

Philbert ne lutta plus, ne fit aucun effort. Il s’alanguit, s’abandonna, se laissa rouler par le torrent des chairs mouvantes qui semblaient l’entraîner vers un abîme d’obscure joie et de ténébreuse folie.