Aller au contenu

Page:Emery - Vierges en fleur, 1902.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
66
VIERGES EN FLEUR

mais s’enfuient aussitôt la prime joie conquise !

— Yvonne, vos sages paroles révèlent une prescience merveilleuse de la vie. Oui, voilà le secret unique du bonheur : fuir la satiété, se griser une fois seulement du même vin, se réjouir une seule nuit aux lèvres d’une amante.

— Une nuit ! soupira Jeanne, yeux clos et bouche ouverte.

Philbert très lentement, s’inclina vers la bouche, puis se levant de table, liant la jeune fille, il pria :

— Cette nuit, Jeanne, dis, effeuillons l’allégresse.

— Oh ! je le veux, fit-elle, emmenant son ami.

En sa robe de bal, constellée de fleurettes, avec ses cheveux blond-soleil, sa chair rose fleurant les mauves héliotropes, Jeanne de Kerbiquet avait la grâce surannée d’une royale favorite d’un Louis XV. Et Philbert, le glaneur des parfums féminins, la tenant en ses bras, respirait une exquise et non connue saveur qui le réjouissait.

La petite marquise était sur ses genoux, fermant toujours les yeux, ouvrant toujours la bouche.

— Je t’aime, disait-elle, parce que tu es le doux ami que depuis si longtemps j’espérais.