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Page:Emery - Vierges en fleur, 1902.djvu/67

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VIERGES EN FLEUR

neige ! La créature humaine, lorsqu’elle prend racine en un sol, lorsqu’elle s’est fixée sur un territoire, chérit une patrie, devient serve, et liée aux boulets d’un bagne, elle végète tristement et croupit. La destinée nous appelle sans cesse vers des horizons neufs, l’univers tout entier est notre patrimoine ; ses continents, ses îles sollicitent nos essors. Oui, vivre c’est passer et suivre les étoiles qui marchent dans le firmament, sans doute pour nous dire qu’il faut marcher aussi, et courir au bonheur qui nous attend là-bas, là-bas, plus loin, en des terres promises que nous donne du moins chaque jour notre espoir !

— Oui, la félicité, dit Philbert, c’est la marche incessante, la course à l’idéal. Nous ne l’atteindrons pas, sans doute, mais qu’importe ? La joie que nous avons, dans la foi, dans l’espoir, est assez magnifique pour enchanter la vie !…

— Oh ! le rêve, dit Jeanne.

— Croyez-moi, le réel quelquefois s’illumine, se pare de splendeurs, atteint presque le rêve.

— Je le crois aujourd’hui, fit Jeanne doucement.

— Oh ! ne pensez-vous pas, fit Yvonne très pâle, et se précipitant presque contre Philbert, que le Réel n’est bon qu’à celles qui l’effleurent, aspirent son parfum, s’emparent de son miel,