Page:Emile Littre - Etudes et glanures - Didier, 1880.djvu/15

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îles, la péninsule ibérique » c’est-à-dire l’Espagne et le Portugal, les Gaules, c’est-à-dire le pays d’oc et le pays d’oïl. Ce latin vulgaire s’éloigna d’autant plus du latin classique, que le gouvernement et les hautes fonctions, échappant aux mains des classes supérieures latines, devint la propriété des classes supérieures germaniques, qui ne perdirent que peu à peu leur idiome.

Dans cette élaboration linguistique, qui, plus heureuse que la Rome des Césars, triompha du germanisme et le refoula dans ses limites, le populaire gallo-romain ne peut réclamer que sa part propre et la marque qu’il y imprima. Il semblait que le droit de primogéniture dût appartenir au néo-latin de l’Italie. Il n’en fut rien. Ce droit passa au néo-latin des Gaules. Primogéniture, qu’est cela en fait de langues ? C’est ici, entre les quatre héritiers de la langue de Rome, d’un côté la conservation d’une déclinaison (la déclinaison à deux cas), tandis que toute trace de déclinaison s’efface en Italie et en Espagne, et, d’un autre côté, l’éclosion rapide d’une littérature féconde et bienvenue auprès de tous. L’ascendant des Gaules sous Charlemagne, la désorganisation de l’Italie après la chute des Lombards, et la subjugation de l’Espagne par les Maures, laissent entrevoir les raisons sociales de la primogéniture linguistique.