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Page:Emile Littre - Etudes et glanures - Didier, 1880.djvu/317

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çais moderne est une nouvelle langue par rapport au français ancien, comme celui-ci est une nouvelle langue par rapport au latin. J’engage fort ceux qui s’occupent de l’histoire de notre langue à étudier minutieusement les causes et les procédés de la transformation opérée au quatorzième siècle, en ayant présente à l’esprit celle, plus reculée et plus considérable, qui se fit dans le huitième siècle et le neuvième. La méthode de comparaison, qui est l’instrument de premier ordre dans l’investigation de toutes les sciences biologiques, s’applique non moins fructueusement à la science du langage.

Au quatorzième siècle, la destruction fut grande et la réparation petite, tandis que la transformation primitive, outre les suppressions qui furent nombreuses aussi, produisit plusieurs créations de grande importance. L’esprit grammatical de la nation française, à la seconde époque, ne se montra capable que d’un travail de régularisation qui établit le règne des nouvelles analogies ; au contraire, dans les siècles d’origine, l’esprit grammatical des populations romanes (car ici il ne faut pas considérer seulement la France, mais il faut étendre le regard à l’Italie et à l’Espagne) se signala par des combinaisons nouvelles, dont quelques-unes appartiennent justement à la conjugaison.

La cause des destructions grammaticales essentielle et toujours efficiente est le renouvellement même des générations. Chaque génération, ayant quelque chose de différent de celle qui la précède, apporte aussi quelque chose de différent dans la langue. Ces mutations, bien que petites à chaque fois, s’accumulent et finissent par produire de grands effets. Voyez, soixante générations nous séparent