Aller au contenu

Page:Emile Littre - Etudes et glanures - Didier, 1880.djvu/342

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à peu l’intelligence de ces finales. La désuétude en arrive, dans les temps mérovingiens, au point où plusieurs deviennent inutiles, vu que leur ancienne fonction ne fait plus partie de la nouvelle manière de concevoir le rapport des mots. Ces fonctions tendent à se réduire à deux, qui seront nécessairement représentées par deux cas ; mais la tradition conserve encore les anciennes finales. Enfin ces finales devenues parasites sont rejetées ; la langue d’oïl et la langue d’oc montrent le système dans sa netteté, et la nouvelle grammaire à deux cas est constituée. Puis, à son tour, la nouvelle déclinaison subit l’usure que l’ancienne avait subie ; tout cas est aboli, et le français moderne sort de cette transformation.

Rien de plus incontestable que cette filiation. Pourtant je doute que, si l’on n’avait pas eu sous les yeux la claire démonstration fournie par la langue d’oïl et la langue d’oc, on eût cherché et trouvé, dans les textes mérovingiens qui semblaient défier toute coordination grammaticale, une certaine tendance organique. Mais, à la vive lumière des deux langues gallo-romanes, on aperçut qu’au sein de ce chaos la latinité se décomposait et se recomposait suivant des directions qui, n’ayant rien d’arbitraire, n’avaient rien de barbare.

Maintenant comment se fait-il que la déclinaison à deux cas, transition entre le latin classique et les langues romanes modernes, ne se trouve que dans le vieux français et le vieux provençal, et que ni l’italien ni l’espagnol ne la possèdent ? Ce ne sont pas les barbares qui ont empêché ici et favorisé là ce fait de langue. Les trois grandes contrées occidentales étaient occupées et gouvernées semblablement