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Page:Emile Littre - Etudes et glanures - Didier, 1880.djvu/344

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nalité, ni la possession médiévale ni le manque moderne de l’épopée ; mais on l’imputera aux circonstances politiques et sociales. En tout cas, cette antécédence de la langue d’oïl et de la langue d’oc dans le domaine littéraire n’est point sans rapport avec leur antécédence dans le domaine grammatical, où elles organisèrent, dès les premiers temps, l’intermédiaire de la déclinaison à deux cas, intermédiaire moderne par rapport au latin classique, mais intermédiaire archaïque par rapport aux langues romanes de nos jours.

Avec ce caractère des événements grammaticaux et littéraires, le caractère des événements politiques ne fut point en contradiction. A peine les Mérovingiens furent-ils solidement établis dans les Gaules, qu’ils se retournèrent avec fureur contre les Germains trans-rhénans qui les suivaient par torrents, les combattirent sans relâche et portèrent plus d’une fois l’invasion au delà du Rhin. C’était un nouveau duel entre la Germanie et l’Occident. Cette fois-ci, la Gaule, conduite par des chefs germains, fit sous les Carlovingiens ce qui avait dépassé les forces de l’empire romain : elle subjugua la Germanie et la christianisa. Dès lors, la source des grandes invasions fut tarie, et l’Occident put s’organiser sous la forme féodale. Ainsi, la Gaule était devenue, par le fait de la conquête barbare, le chef de la résistance aux barbares, non plus sur le pied de la défensive, mais sur le pied d’une offensive victorieuse. Dans ces circonstances politiques, elle put avoir et elle eut, en effet, une précellence en grammaire et en littérature.

Tout cela fut secondé par la situation géographique. L’île de Bretagne, occupée par les Ger-