Aller au contenu

Page:Emile Littre - Etudes et glanures - Didier, 1880.djvu/352

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pris. Pour me rendre compte de ce qui se passait, je suppose qu’il existait alors un latin vulgaire plus près de la langue d’oïl que nos textes mérovingiens ne semblent l’indiquer, et que ces textes, grammaticalement anarchiques et où les souvenirs du latin classique jetaient toutes les formes, se lisaient non suivant la lettre écrite, mais suivant le parler vulgaire compris de tout le monde. A l’appui de l’idée d’un parler vulgaire moins latin, j’en citerai quelques apparitions dans nos textes, sa et la, qui sont du français à côté de toutes les formes possibles suus, sua, suum et ille, illa, illum, etc.; per sa perceptionem au lieu de per suam prœceptionem, p. 96, et la terciam pour illam tertiam, p. 96. A l’appui d’une prononciation différente de ce que semble indiquer l’orthographe restée latine, je citerai, dans de très anciens textes purement français, aneme, prononcé certainement anme ou ame, glorie, prononcé certainement glore ou gloire ; le vers exigeant que ces mots soient de deux syllabes et non de trois. Au reste, je recommande aux curieux la question de l’intelligibilité du latin mérovingien. On voit par l’exemple de M. de Jubainville qu’il y a beaucoup à tirer de ces textes si désespérément barbares.

Avec la vue que j’énonce la conclusion de l’ouvrage de M. de Jubainville n’est point en contradiction. Je la rapporte comme un excellent résumé : « A l’époque mérovingienne, dit-il, un principe nouveau régnait dans la déclinaison latine, où, par la puissance de ce principe, une révolution considérable s’était accomplie. Dans le latin classique, une fonction spéciale est attribuée à chacune des formes si variées que l’on désigne par diverses combinaisons des termes de cas, de genre et de nombre.