Page:Emile Littre - Etudes et glanures - Didier, 1880.djvu/351

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les Celtes la langue germanique, et les Celtes reculèrent continuellement. Ainsi en advint-il dans l’île de Bretagne, où les Celtes, perdant sans cesse du terrain, n’ont conservé qu’une étroite lisière au midi et au nord, sans se confondre avec les envahisseurs, sans recevoir d’eux la loi et sans la leur donner. Il n’en fut pas de même des Celtes de la Gaule ; ceux-là parlaient latin, l’Église et l’administration parlaient latin toutes deux, et, par cette influence combinée de la latinité du peuple et de celle de l’Église et de l’administration, le germanisme fut vaincu là comme en Italie et en Espagne. Mais cela même laisse peu de place au gaulois, pas plus qu’il n’en reste en Espagne à l’ibère, en Italie à l’étrusque ou au grec ; peu de place, dis-je, mais non nulle place absolument.

En définitive, partout où la latinité, même vaincue, se trouva face à face avec le germanisme, elle en triompha et l’absorba. Ce qui prouve que la victoire des Germains sur l’empire fut due à des circonstances extrinsèques, non intrinsèques, de supériorité.

Le latin dans les Gaules à l’époque mérovingienne, tel qu’on l’écrivait, était devenu un jargon ; et quiconque en lira se demandera comment ceux qui écrivaient étaient compris de ceux qui lisaient. J’ai, dans mon édition d’Hippocrate, publié une traduction, en ce latin, du livre perdu des Semaines, et je n’en ai entendu que la moindre partie. Imaginez des textes latins où tous les cas sont confondus et pris les uns pour les autres, et essayez de reconnaître les rapports qui lient les mots et qui déterminent le sens. La difficulté sera grande. Cependant des textes pareils, qui contenaient des lois, des règlements, des diplômes, étaient certainement com-