Page:Emile Littre - Etudes et glanures - Didier, 1880.djvu/422

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soit en imprimant, ce serait un grenier à fautes. Telle fut son expression. Mais ce parti, par trop radical, quand même je l’aurais pris, n’eut pas remédié à ce qu’il y avait de vicieux ou d’insuffisant en certaines citations. Le seul recours était la vérification, toutes les fois qu’un soupçon quelconque s’élevait, vérification souvent fort laborieuse et grande consommatrice d’heures et de recherches. Néanmoins je ne me rebutai point, et je réussis à donner à mes citations toute leur qualité de précision. Malgré le pronostic, ce ne fut point un grenier à fautes.

Pendant que je recueillais paisiblement des exemples, de terribles événements éclatèrent, qui changèrent la face de la France. En 1848, une émeute vite transformée en révolution la mit soudainement en république. La stupéfaction peu bienveillante de la province, à la vue d’un changement sur lequel elle n’avait pas été consultée, les idées révolutionnaires des uns, les systèmes socialistes des autres parmi les vainqueurs, l’incertitude sur l’issue d’une pareille crise, jetèrent dans le désarroi la fortune publique et les fortunes privées. Le sanglant conflit de juin dans Paris même, entre l’Assemblée nationale et les ouvriers, n’était pas fait pour rien amender ; et, quand M. Hachette, commandé avec sa compagnie de garde nationale pour attaquer, le vendredi, une barricade élevée en son quartier (il demeurait alors rue Pierre-Sarrasin, rue aujourd’hui détruite), reçut une décharge qui le couvrit du sang de plusieurs de ses voisins, il n’y a pas lieu de s’étonner qu’il ait hésité à continuer une aussi lourde entreprise que le dictionnaire, et suspendu au fort de orage les secours qu’il me fournissait. Mais la maison était dès lors solidement établie, et son chef intrépide et