Page:Emile Littre - Etudes et glanures - Didier, 1880.djvu/423

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habile tint tête aux circonstances. Après une hésitation qui ne fut que momentanée, il persévéra, et je persévérai avec lui.

A la longue, l’amas que je faisais crût tellement, que je me jugeai suffisamment pourvu d’exemples. En réalité, je ne l’étais pas ; mais je ne fis pas moins fort bien de m’arrêter ainsi, sauf reprise, en la voie de la collection. Avec les proportions où j’avais conçu mon dictionnaire, je me serais perdu sans ressource dans le temps et dans l’espace, si je m’étais laissé aller ; en chacun des compartiments qu’il embrassait, à la tentation, très naturelle du reste, d’y être complet. Il était urgent de se résigner à un sacrifice, et de procéder au tout en se refusant à mettre la dernière main aux parties. Je n’ai point eu à me repentir de ma résolution. Le tout se fit, et c’était l’essentiel ; car, en bien des cas, il est le juge suprême des parties. Puis les parties furent reprises en sous-œuvre et avec une meilleure entente ; ce qui compensa suffisamment l’interruption que je leur avais infligée.

Il me souvient qu’il y a quelques années, un Anglais, songeant à faire pour sa langue ce que j’avais fait pour la mienne, me demanda par un intermédiaire de le renseigner sur la manière dont j’avais procédé. Je lui donnai dé grand cœur quelques indications essentielles ; mais, je ne le reconnais que trop aujourd’hui, elles étaient certainement insuffisantes ; et si j’avais pu alors lui remettre la notice que j’écris présentement, je lui aurais été de plus d’utilité, en lui sauvant les tâtonnements. A moi ils ne furent pas sauvés. J’avais, il est vrai, en lexicographie, d’illustres prédécesseurs, Henri Estienne, Ducange, Forcellini… Ducange surtout, que j’ai