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Page:Emile Littre - Etudes et glanures - Didier, 1880.djvu/438

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pour ma femme et ma fille, douze cents pour moi ; car nous avions, tous les trois, besoin d’une indemnité temporaire : ma femme et ma fille passaient moins de temps pour les soins de leur ménage, et moi, avec le courant absorbant du dictionnaire, je n’avais plus de moments pour certaines occupations accessoires qui me servaient à joindre, comme on dit, les deux bouts. Le res angusta domi dominait la situation, et j’en acceptais volontiers toutes les conséquences, c’est-à-dire le travail et l’économie ; le travail, soumis toutefois à cette règle qu’il ne m’imposât jamais une besogne qui me déplût ou me répugnât ; et l’économie, dirigée autant que possible de manière que le présent ne fût pas complètement sacrifié à l’avenir. Du reste, cette somme annuelle de 2,400 francs était simplement une avance elle figura dans la dette des quarante et quelques mille francs que je contractai envers M. Hachette et dont il sera parlé plus loin.

A ma femme maladive et débile, une somme mesurée de travail était seule possible et même permise de par la médecine. Mais ma fille, jeune et pleine d’ardeur, consacra désormais son temps au service du dictionnaire. Cela était facile à la campagne, où nous ne recevions guère de visiteurs que le dimanche, jour d’ailleurs consacré au repos, excepté par moi, qui, donnant à mes hôtes le milieu de la journée, employais, comme d’habitude, la matinée et la nuit. La difficulté était plus grande à Paris, où la vie est plus dérangée. Néanmoins, tout compensé, et des réserves étant faites pour des distractions plus utiles que jamais ; comme le nulla dies sine linea du dicton latin était pratique à la lettre, la construction de mon édifice lexicographique procéda avec la con-