Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/133

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ou moins vraisemblables. M. de Lanoye, qui croit à la création d’une seule race humaine, modifiée ensuite par les milieux et les moments, ne paraît pas s’inquiéter outre mesure des origines du peuple égyptien ; il donne les différentes hypothèses sans en créer une nouvelle. Il est à présumer que l’Égypte fut peuplée, à de certains intervalles, par des bandes venues du nord et de l’est. La nation se forma ainsi lentement ; elle fut d’abord composée d’industriels et de cultivateurs vivant paisibles dans cette contrée grasse et riche. Les sols féconds ont fait les grands peuples, et toute l’histoire est dans le limon fertile qui fixe les habitants, ou dans les sables mouvants qui les font voyager, en quête de l’ombrage des oasis. Ainsi grandit et s’enrichit la nation ; c’est dans le bien-être physique, dans la paix du corps, que se forment les civilisations. Lorsque Ramsès naquit, l’Égypte instruite, saine de chair et d’esprit, était tout élevée pour conquérir le monde connu. Il est bon que les âges guerriers viennent après les âges de commerce et d’abondance ; le conquérant qui naît alors, n’est plus un barbare qui plie le monde sous ses genoux, c’est un capitaine habile et ingénieux, un politique savant, un homme d’art et de bonnes manières. Ramsès le Grand, quatorze cents ans avant Jésus-Christ, fut plutôt un Charlemagne qu’un Attila.

L’Égypte, à cette époque, avait toute sa saveur originale et étrange. Elle était à ce point de maturité exquise des nations, lorsque les éléments des origines se sont fondus en un seul tout ; il y a floraison, sen-