Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/134

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

teur pénétrante, éclat particulier. Je l’ai dit, je ne crois pas que nous ayons une idée bien nette de cette civilisation égyptienne dont nous nous plaisons à outrer l’originalité, la délicatesse et la splendeur. J’ai lu très attentivement le long récit que M. de Lanoye fait du sacre de Ramsès, d’après les documents connus, et j’ai vu dans cette cérémonie une comédie emphatique, dont la mise en scène ne vaut certainement pas celles des féeries de nos théâtres. L’art était rudimentaire, grossier, quoi qu’on dise ; les bijoux, les étoffes, qu’on peut voir dans les musées, n’approchent, comme délicatesse de travail, ni de notre orfévrerie, ni de nos tissus modernes. Qu’on s’émerveille devant l’habileté, l’esprit ingénieux, la patience de ces ouvriers primitifs, je le veux bien ; ils ont créé leurs arts, et nous n’avons fait que profiter du labeur des siècles. Mais il me déplaît qu’on tombe en admiration devant des œuvres que ne commettraient pas les apprentis de notre temps.

Je ne veux pas être trop dur pour les Égyptiens. Ils nous offrent encore, du fond des âges, le spectacle grandiose d’un peuple transportant les montagnes avec le seul aide des bras de l’homme. Seulement, je voudrais qu’on n’exagérât par l’élégance ni la finesse de leur luxe ; pour moi, c’étaient des barbares riches et nombreux, qui ont usé de leur force et de leur richesse. L’art où ils excellèrent fut la sculpture, l’architecture ; la nationalité égyptienne trouva son expression, comme toutes les nationalités primitives, dans les statues et les monuments. Là, ainsi que je le